Un braquage artistique digne d’un polar : les toiles de Bernard Buffet retrouvées après six mois d’enquête

Bernard Buffet
Bernard Buffet

Condom, Gers – Marseille, Bouches-du-Rhône. L’affaire a tout d’un thriller : un collectionneur d’art cambriolé dans son sommeil, un réseau organisé opérant depuis le sud de la France, des toiles de maître prêtes à être écoulées au marché noir… et une enquête de six mois, menée à bas bruit par les gendarmes et l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC). À la clef : onze tableaux signés Bernard Buffet, d’une valeur estimée à 715 000 euros, récupérés in extremis avant leur disparition définitive.

Mort en 1999, Bernard Buffet est une figure de l’expressionnisme d’après-guerre. Célèbre pour ses visages décharnés, ses paysages austères et ses clowns mélancoliques, son œuvre fascine autant qu’elle divise. Ses huiles sur toile s’échangent désormais entre 20 000 et 170 000 euros pièce — une flambée qui n’a évidemment pas échappé aux réseaux criminels.

Ce 29 décembre, les malfaiteurs prennent le soin de masquer les caméras de surveillance, affrètent trois véhicules spécifiques pour commettre leur vol, et quittent les lieux avec un butin estimé à 715 000 euros. L’affaire est immédiatement confiée par le parquet d’Auch à la section de recherches de Toulouse, à la brigade d’Auch et à l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC).

Une enquête lente, infiltrée et méthodique

Les premières pistes pointent vers un individu local, suspecté d’avoir facilité l’accès des voleurs. Il est en lien avec deux complices installés dans la région marseillaise. Ce maillage entre le sud-ouest rural et les réseaux marseillais va orienter l’enquête. Une enquête de voisinage rigoureuse, couplée à un travail d’infiltration patient, permet aux gendarmes de suivre les déplacements du butin.

Un militaire infiltré gagne la confiance des receleurs en se faisant passer pour un acheteur. Il parvient à obtenir des clichés des toiles, confirmant que celles-ci circulent encore, prêtes à être revendues au marché noir international.

Le coup de filet décisif

Le 1er juillet 2025, six mois jour pour jour après le vol, la gendarmerie nationale interpelle six personnes dans la région marseillaise. Lors des perquisitions, les 11 toiles sont retrouvées intactes, à l’abri, prêtes à être revendues. Les enquêteurs saisissent aussi une arme de poing, une compteuse à billetsdes téléphones prépayésdes talkies-walkiesdes cagoules et gants, ainsi que les trois véhicules utilisés lors du vol.

Cette saisie massive confirme le professionnalisme du réseau, mais aussi l’ampleur de son organisation logistique.

Justice et détentions provisoires

Les suspects ont été présentés devant le magistrat instructeur, puis le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire d’Auch. Les chefs d’accusation sont lourds :

  • Vols commis en bande organisée
  • Recel en bande organisée de vols commis en bande organisée
  • Association de malfaiteurs
  • Destruction de bien par un moyen dangereux pour les personnes

Quatre des suspects ont été placés en détention provisoireles deux autres sous contrôle judiciaire.

Un marché noir florissant… et une lutte de longue haleine

Cette affaire rappelle que le trafic de biens culturels demeure l’un des trafics les plus lucratifs et les plus discrets à l’échelle mondiale. Dans 90 % des cas, les œuvres volées ne réapparaissent jamais. Ici, le travail de terrain, le temps long de l’enquête, et le savoir-faire de l’OCBC ont permis une restitution exceptionnelle. À Condom, le collectionneur peut enfin souffler. Ses tableaux lui seront restitués, et un pan de mémoire artistique française échappera, cette fois, à l’oubli.