Par peur du monde, il les a privés de tout. Dans le nord de l’Italie, en plein cœur des forêts du Piémont, une vérité aussi troublante que déchirante a été découverte par hasard, un matin de juin 2025. Deux enfants, âgés de 6 et 9 ans, vivaient cachés dans une ferme délabrée, coupés du monde, sans école, sans papiers, sans vie sociale. Ils s’appellent Sven et Liam, mais personne ne les connaissait. Jusqu’à ce que les inondations qui frappaient la région forcent la police à pousser la porte d’un recoin oublié du monde.
Un père, une peur, une dérive
À l’origine de ce drame intime : un père seul, rongé par une peur viscérale du Covid. D’origine autrichienne, installé illégalement en Italie, il avait convaincu sa compagne — aujourd’hui disparue — que le monde était devenu trop dangereux pour leurs fils. Pendant plusieurs années, il a organisé leur survie dans l’ombre d’une angoisse devenue doctrine. Chaque jour, Sven et Liam vivaient selon un rythme immuable : potager, isolement, consignes d’hygiène rigides, et un silence de plomb. Les voisins, peu nombreux, les croyaient simplement « marginaux ». En vérité, ils étaient devenus invisibles.
« Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils portent encore des couches », a confié un policier, bouleversé, au journal La Repubblica.
« Ils n’avaient jamais vu un autre enfant que leur frère. »
L’école, la rue, l’État : absents du tableau
Les enfants ne figuraient dans aucun registre d’état civil. Jamais inscrits à l’école, jamais vus par un médecin, ils étaient officiellement inexistants. On les surnomme déjà « les enfants fantômes ». L’un d’eux croit encore que sortir sans masque tue instantanément. Un autre sursaute au bruit d’un moteur, comme si c’était une menace. Ils n’ont pas de souvenirs de ville, de cinéma, de glace à la vanille. Leur monde se résumait à un champ, un père, et la peur.
Le père, arrêté et placé en détention provisoire, justifie son geste par une obsession de la « pureté » : « Je voulais les sauver. » Sauver de quoi ? D’un virus devenu symbole d’une société qu’il considérait comme corrompue, malade, et condamnée. Mais en les soustrayant au monde, il les a privés d’enfance, de langage, d’affection partagée.
Un lent retour à la lumière
Pris en charge par les services sociaux italiens, Sven et Liam sont aujourd’hui hébergés dans un centre d’accueil spécialisé. Ils apprennent peu à peu les mots, les gestes simples du quotidien, les couleurs de la vie. Ils ont demandé ce qu’était une « cantine », un « copain », une « TV ». On leur a mis des crayons dans les mains. Ils ont griffonné des traits sans signification. Mais l’un d’eux a dessiné un arbre immense, et au pied de cet arbre, un petit soleil.
« C’est peut-être leur première représentation de l’espoir », murmure une éducatrice.
Une histoire symptomatique de notre époque ?
Le cas des enfants des bois secoue l’Italie et bien au-delà. Il interroge. Que nous dit cette histoire d’un monde traversé par la peur, les théories complotistes, le repli sur soi ? Dans une société fracturée par la pandémie, certains n’ont pas simplement tourné le dos aux institutions : ils ont choisi l’invisibilité. Ce père n’est ni le premier ni le dernier à avoir franchi la ligne. Mais rarement l’enfance aura autant payé le prix d’une peur d’adulte.